mardi 2 mai 2017

[pour la fin des fins] FEU DE CRÈCHE

                            Feu de crèche


C’est Lucie, je suis la dernière, autour de moi cendres et ruines,
 j’ai sur mon ventre sachet de graines de coquelicots périmé, on ne sait jamais,                                                         pour quoi, pour qui, j’ ai rêvé d’un grand champs de fleurs.

Extrait de Inhume Haine [poème 31] - 2015,                                                                                  
de Didier Trumeau.


                 Ils dirent que Rhys Rhys faisait brûler son bébé  
                       quand un buisson d’ajoncs se mit à flamber au sommet de la colline…  
…Une flamme toucha sa langue. Hiiiii ! cria le bébé qui brûlait et la colline illuminée répercuta le cri..

Extraits de : Le bébé qui brûlait - Dylan Thomas

Notes de l’auteur .
:
Dès ma première lecture de : Le bébé qui brûlait du poète Gallois Dylan Thomas, j’ai toujours eu une fascination pour cette étrange nouvelle mystérieuse qui figure dans le tome 2 de Œuvres –éditions SEUIL 1970. Ce tome 2 me manquait, mon tome 1 était bien triste, orphelin dans ma bibliothèque… Mais vers 1998, dans un sous-sol d’une grande bibliothèque de Picardie, par hasard ? En fouillant rapidement dans une étagère bancale, au milieu de livres poussiéreux visiblement mis au rebut, je tombe sur le tome 2 des Œuvres de Dylan Thomas. Sans hésitation, je sauve le livre, le muche sous mon blouson pour le dérober ; dans la foulée, je n’en reste pas là, j’emporte un autre petit livre consacré au feuilleton britannique Le Prisonnier … -Vous savez avec le fameux N°6- …et je viens de réaliser que ce feuilleton se passe toujours en huis clôt dans un village au bord d’une plage du Pays de Galles.
Début octobre 2008,   je ne suis vraiment pas au mieux de ma forme. J’ai, entre deux longs moments de grande torpeur, le désir violent d’écrire un texte sur les sentiments qu’en moi les jeunes en détresse que je croise dans le cadre de mon travail d’éducateur de rue, ont fini par inscrire avec force et non aussi une certaine violence, dans mon âme, ma psychè. Je voulais de CELA en expurger un poème, une histoire, un conte… Je ne savais quoi mais ma seule certitude il fallait que CELA soit à la mesure de l’horrible absurdité de ce qu’il m’était, alors, donné à être confronté quotidiennement. Puis d’un coup ! J’ai repensé à la nouvelle Le bébé qui brûlait de Dylan Thomas alors Feu de crèche est devenu une évidence et je l’ai écrit. Il y a eu plusieurs versions que j’ai brulée mais celle qu’il me reste, bien que ce soit encore à mon avis un brouillon, me plait bien, assez pour la partager avec des lecteurs.
Les personnages de Feu de crèche m’ont tous été inspirés par des visages que j’ai connus et accompagnés durant mes années de travail social. Les lieux : la cité, son nom absurde a été changé par un autre nom qu’il fallait bien tout aussi absurde. Le bois de bosquets lui existe/existait… - A-t-il été rasé depuis ? C’est probable.- …dans un quartier populaire ou j’allais parfois et son nom Sherwood montre que les jeunes des zones de relégation sociale ont de la pertinence dans leur humour et une lucidité cruelle. Le fait divers, lui, dans une grande ville de France ne s’est pas conclu comme je l’ai écrit mais au final, il y ressemble… autrement.
Afin que je sois satisfait de cette « nouvelle », il me manquait un p’tit quelque chose. Comme je vis en musique, depuis le vendredi 13 novembre 2015, j’éprouve le besoin d’écouter des chansons qui parle de feu et d’amour, j’ai compris qu’étais là, les pièces manquantes pour finaliser un puzzle de mots soufflés à la mesure de ce que je désire pour Feu de crèche.
Ce travail va certainement être le socle pour le départ d’un roman-polar-social qui trotte depuis longtemps dans ma caboche.                                                                                                         
                                                                     Christian-Edziré Déquesnes, le 19.11.2015, à Saint Amand-les-Eaux.



BUCHER FUNERAIRE

Au bas des rues, ce soir, le livre saint va brûler,                                                                                        
les gens rire et pleurer dans leurs agitations                                                                                        
(Tourmente  jouissive)                                                                                                              
Jeter vos peurs et perdez votre culpabilité,                                                                                           
ce soir, nous brûlons vos responsabilités dans l’incendie.                                                                           
Nous voyons les flammes s’élever bien plus                                                                                  
mais si vous obtenez trop de cendre,                                                                                          
vous ne pourrez plus rentrer chez vous.
Et comme je me retrouvais bien sur le front                                                                                 
j’ai pu voir ces visages de ceux amenés à pisser de rire sur leur identité.                                                (
et les flammes redoublent alors de force)                                                                                   
Leurs yeux exorbités à la folie de leurs visages congestions disent                                                           
Les plus faibles s’écrasent pareils aux forts qui deviennent plus forts.
Nous régaler de chair et boire le sang,                                                                                      
vivre par la peur et dans le mépris de l’amour dans une crise                                                              
(ce que les prix augmentent aujourd’hui).                                                                            
Apportez un peu de papier et du bois,                                                                                        
Apporter ce qui demeure de tout amour pour le feu.
Nous vous voyons regarder les flammes                                                                                                
dans le bûcher funéraire                                                                                                             
Nous vous voyons regardez les flammes grimper plus haut                                                                                                
mais vous obtenez trop de cendre                                                                                              
vous ne pourrez plus rentrez chez vous.
Dans le bûcher funéraire                                                                                                                
(enfin, je me sens si vieux, quand je me sais si jeune)                                                                      
Vous ne pouvez venir à la maison                                                                                                         
(Eh bé ! J’ai juste à ne pas grandir pour ne pas répondre à la demande)
Dans le bûcher funéraire                                                                                                       
 enfin je me sens si jeune, quand je me sais si vieux)                                                                    
(Eh bé ! j’ai juste à ne pas grandir pour répondre à la demande)
Eh, bé, je me sens si vieux quand je me sais si jeune.                                                                    
Eh, bé, j’ai juste à ne pas pouvoir grandir pour répondre aux exigences

Très libre adaptation française, de la chanson THE FUNERAL PYRE de Paul Weller (The Jam)

                                                                                                                                                                Au dedans des horizons de givres sont déclinées les heures de cette saison des fêtes au final de décembre. Au tombeau du jour, Lucie avance. En boule inerte dessous son blouson de skaï, enveloppé dans la chaleur de sa poitrine qui traverse son chandail vermeil de misère. La naissance de l’enfant Jésus aux illuminations des fenêtres est prétexte aux débordements de ripailles qui vont envahir les appartements, ici comme ailleurs, à la cité Eldorado en briques feu. Certains, ce soir, vont vomir d’abondance. Lucie longe le cul nord-est d’un de ces immeubles récemment rénovés à prix massacrant les concurrents par l’ogre bailleur. Déjà, petite souris grelottante dans le gros paquet de l’air gelé, Lucie traverse l’espace qui sert parfois de terrain de foot pour rejoindre au bout la rébellion de quelques hauts bosquets que l’urbanisme n’a pas encore spoliés. Eldorado un nom jeté comme un pieux dans l’œil prolétaire du cyclope des trente glorieuses par des promoteurs de l’habitat des échafaudages d’une de ces cités à dormir pauvre que Lucie n’a jamais pu quitter depuis… Souvenirs d’une époque quand le père est licencié : Fermeture de la fabrique à textile Van Temoort. Depuis ce n’est plus jamais que missions express en intérim pour des francs démantelés au profit de l’euro-monnaie… Puis, en l’incendie d’une alliance avec l’alcool, le père cogne le visage alarmé de la mère. Bientôt sonne la chanson des cloches du divorce qui fête bientôt à l’unisson le départ de Stif’, la grande teigne d’ainé, pour un voyage institutionnel en centre d’une éducation renforcée. Lucie voit le profil d’un possible en famille d’accueil pensé de traviole par une enquêtrice sociale. Bingo ! Une évaluation défaillante autorise l’adolescente à demeurer aux domiciles parentaux car le divorce a été trompeté au tribunal des affaires matrimoniales ; une décision qui offre à Lucie le privilège de voyager de chez l’un à chez l’autre de maman-papa qui refont vie séparément…


L’Ange chante : FIRE  de The Crazy World of ARTHUR BROWN                                                
I am the God of Hell Fire & Bring You                                                                       
Je suis le Dieu du Feu de l’Enfer et je vous apporte                                             
Fire, I’ll take you to                                                                                                      
Feu, je te ferai brûler                                                                                              
Fire, I’ll take you to leav                                                                                            
Feu, je te ferai apprendre                                                                                         
I’ll see you burn / Je te verrais brûler                                                                       
You Gonna Burn. You Gonna Burn. You Gonna Burn                                                      
Tu vas brûler. Tu vas brûler. Tu vas brûler.
Burn , Burn, Burn, Burn, Burn, Burn.                                                                  
Brûles. Brûles. Brûles. Brûles. Brûles. Brûles

Flamboyante prière païenne au centre puant le pétrole d’un petit bûcher, bientôt je suis une incandescente petite tête chiffonnée aux lèvres roses toutes en flammèches écarlates sortie morte-vive d’un ventre de dupe. Telle une fée en insurrection désespérée surgie d’entrailles maternelles, la flamme du refus baisera ma langue et il se détachera de ma gorge un minuscule cri à peine perceptible qui sourdement, très sourdement, ricochera plusieurs fois puis s’enroulera aux parois de béton de la cité.


L’Ange danse au son de : LIGHT MY FIRE de THE DOORS (Jim Morrison)  
The time to hesitate is through                                                                                                
Nous n’avons plus le temps d’hésiter                                                                                 
No time to wallou in the mire                                                                                                      
Pas le temps de patauger dans la boue                                                                                    
Try now we can only hose                                                                                                    
Essaye maintenant, nous ne pouvons que perdre                                                                         
Et notre amour se change en bûcher funéraire                                                                 
Vas-y bébé, allume mon feu. 
Vas-y bébé, allume mon feu.                                                                                          
Essaye de mettre la nuit en feu, ouais. 
                                                                       
Le fait divers n’inscrira aucun nombre. Sont-ils deux ? Sont-ils trois ? C’est tel un doute qui plane identique à un esprit saint qui plane improbable sur la rédaction piteuse d’un journaliste de presse locale qui exploite le tragique d’ordinaires drames provinciaux de la misère.                                                                                                                                                                                                                                                                                      
Deux et celui que tous appelle Holy Ghost… - c’est ainsi que ce dernier, se surnomme à lui-même - …sont à attendre dans les derniers hauts bosquets épargnés par la grâce de l’option écologique lors de l’élaboration du plan de construction et d’aménagement de la citée Eldorado. Des jeunes adultes désoeuvrés du quartier, lors du premier été en Eldorado en une nuit de barbecue et beuverie sauvages ont surnommés les bosquets Sherwood, depuis le nom est demeuré.
Ce soir le premier arrivé est Johnny. À l’état civil, son prénom est Robert mais il réclame que l’on l’appelle Johnny. C’est Johnny, le skin car il a eu sa période skinhead fabriqué en (f)Rance même qu’il l’a tatoué sur l’un de ses avant-bras. Depuis son interpellation, une nuit en cellule de dégrisement, assorties de lourdes amendes pour incivilités racistes et ivresse sur la voie public, Johnny a opté pour un mode de vie plus discret et raisonné en modulant son rituel d’achat au discount le plus proche afin de se fournir en munition : comprenez maxi-pack de bières mais il a fait une croix sur la Vodka, aussi le whiskey par contre un petit joint si l’occasion s’en présente n’est pas refusé.
En attendant Dylan, Johnny-Robert a descendu trois canettes. Dylan n’a jamais remercié sa mère, il devrait ! Son prénom, il le doit à l’impact de l’al-culturation par la télévision sur certaines jeunes mamans traumatisées par la plastique beauté crétinisée d’un jeune héros d’une série américaine des années quatre-vingt-dix. Dylan n’est pas un mauvais bougre comme le prétend le directeur du centre social mais il a déjà… -à peine vingt ans- …la franche allure de l’obese. Sa silhouette, depuis qu’il a abandonné sa dernière année de préparation à un c.a.p, il l’a gagné en ingurgitant sans modération chips, coca et bières, vautré sur son lit des heures et des nuits face aux écrans de l’ordinateur ou du téléviseur de sa chambre et à se flinguer les neurones à coups de jeux vidéo plus violents les uns que les autres. Parfois il lui arrive de sortir un peu pour se trainer jusqu’à Sherwood afin de retrouver Johnny et Holy Ghost.


L’Ange chante de JERRY LEE LEWIS…                                                                                     
I Say Goodness Gracious Great Balles of Fire…  Oooho…                                                                     
Je dis des gracieuses belles balles de grand feu… Oooho…

Holy Ghost est plus souvent ailleurs que sur le quartier Eldorado mais quand il passe, s’arrête à la cité, c’est pour distribuer, dealer ses hosties ; parfois aussi organiser spontanément des mini fiestas nocturnes en Sherwood. Holy Ghost a la science de tous les itinéraires… -autoroutes, routes nationales et départementales, aussi d’autres chemins- …entre les principales villes du nord de la (f)Rance et Amsterdam. Toujours, il se déplace au volant de luxueuses voitures aux lignes sportives. Ce soir avant… Avant que… Holy Ghost va une nouvelle fois déblatérer à Johnny et Dylan, son discours récurant façon Scarface.
-Qu’est que vous attendez pour arracher vos culs d’ici, de cette dégueulasse cité pourrie ? Il y a plein d’autres Eldorado où on peut se faire un max de maille…


L’Ange danse au son de : RING ON FIRE de JOHNNY CASH                                                 
Je suis tombé dans un anneau de feu incandescent.                                                               
Je suis allé au plus profond du trou.                                                                                       
Et les flammes ont grimpé si haut.                                                                                         
Et il brûle, brûle, brûle                                                                                               
L’anneau de feu, l’anneau de feu…

Une chose n’est jamais évoquée avec personne par Holy Gosth, pourtant Johnny et Dylan ont fini par capter la véritable motivation d’Holy Ghost à reviennir toujours régulièrement en l’Eldorado. Cette raison est aussi celle qui motive grandement leur propre attachement à la cité. Johnny et Dylan la nomme entre eux : La malédiction.
La malédiction de l’Eldorado, c’est Lucie. La jolie et trop gentille pauvre Lucie. Elle a toujours aimé tous les garçons de la cité, jamais n’a eu encore de véritable fiancé, de toute manière elle pense à chaque fois du moment que je lui plais, c’est qu’il m’aime. Et tous les gars du quartier lui disent tu es jolie… Et tous l’aime bien la protège, Lucie. Elle pourrait s’appeler Fatima que cela ne changerait rien à cette histoire et comme Johnny adore le répéter crânement.
quand tu la regardes marcher de dos, tu ne cherches qu’à voir la marque de son Jean’s.
Avant… Avant que… Lucie maintenant traverse le terrain de foot. Elle me sert toujours contre sa petite poitrine chaude et elle ne sait même plus si elle tremble, si elle rit, si elle grelotte, si elle pleure, si elle jouit en regagnant Sherwood au nord-est d’Eldorado au bout du terrain de foot ou elle retrouve les trois autres, avant… Avant que…
Maintenant tout va se passer très vite. Cela va se passer très rapidement… Avec la complicité des bières de Johnny, l’épaisse lourdeur du regard affectueux de Dylan et les bouffées de bénédictions des herbes exotiques et de quelques Hosties multicolores d’ Holy Ghost. Bientôt Lucie sera libérée au nom des pères et sans le fils.
Holy Ghost, d’une voix tremblante mais qu’il cherche solennelle, les yeux à demi clos déclare
-Allez, c’est bon ! On les emmerde tous ! J’allume le feu, on crame cette merde et on se casse d’ici ! De toutes manières on les emmerde tous !



L’Ange chante : BABY’S ON THE FIRE de BRIAN ENO      
Baby's on Fire... !                                     
Bébé est en feu…                                                                                                               
Look at her laughing / 
Regarde la rire                                                                                                                       
Like a heifer to the slaughter                                                                                               
Comme une génisse à l’abbatoir                                                                                       
Baby’s on the Fire – Bébé est en feu.                                                                                       
And all the laughing boy are bitching                                                                                            
Et tous les mecs qui rient sont injustes,                                                                             
Waiting for photos – Ils attendent des photos                                                                             
Oh the plot is so bewitching.                                                                                                        
O que l’intrigue est ensorcelante.

Et je m’enflamme. Des flammes s’enroulent autour de ma bouche et attaquent mes gencives qui se contractent. Très bientôt mon cordon ombilical sera rouge ardent. Déjà, des flammèches lèchent mon petit ventre jusqu’à ce que morte-née ma chair encore un peu saignante car pas tout à fait cramée, s’affaisse parmi les détritus au sol de Sherwood. Qui aurait pu être le père ?
Simplement, à l’Eldorado, un fait d’hiver un soir de Noël.
À sang, l’âne avait mordu le ventre de Lucie.
La crèche est bien vivante…               
…?

L’Ange danse langoureusement au son de : SOUL ON FIRE de LaVERN BAKER
Rénondhious ed maousse ! 
Je pouvais jouer avec Johnny, Dylan et Holy Ghost                                            
Mais pour moi tu es le seul                                                                                                
Qui me fait kiffer, me fait frémir                                                                                         
Et qui apporte mon amour vers le bas de mon ventre.
Avant que je te rencontre, j’ai joué le jeu de l’amour.                                                              
C’est un jeu auquel j’ai été gagnante.                                                                                      
Mais maintenant tu mets le feu à mon âme                                                                             
Et vraiment, j’en joui.
Avec d’autres copains, les amis du temps des bonhommes,                                                   
J’ai encore dû parcourir ce chemin que par moi-même.                                                           
J’étais leur fille de jeux, une fille sans morale insouciante                                                             
Mais je me les ai tous servis dans l’assiette.
J’ai trouvé mon véritable amour avec toi pour toujours,                                                         
Et ma vie ne fait que commencer,                                                                                    
C’est la raison, désormais, pour laquelle tu enflammes mon âme                                              
Et vraiment j’en joui.
Très libre dans l’adaptation française, texte de la chanson : 
Soul on Fire de Baker, LaVern/Etegun, Ahmet/Wexler/Gerald  -1953.

Commencé les 4 et 5 octobre 2008                                                                                 
et achevé le 27 septembre 2015.                                                                              
Les 7 chansons sont venues compléter le texte initial les 18&19 novembre 2015.



S’VIE, À LUCIE

Au pàrfond dl’ iv:ér                                                                                  
din chéle nuit jivrèye                                                                                
l’onpe, làu, qu’ale grichonne                                                                  
tchèche donc, tchèche eque ch’ét ?
Ooh ! Lucie !                                                                                               
Ch’ét Lucie tout ghéllotante                                                                   
Ooh ! Lucie !                                                                                                       
Lucie eque d-el vlaù                                                                               
Lucie, tout déspitèye                                                                                
Ed l’inochinche duska l’grace                                                    
Lucie, :eunne d’ènne vie coére si casvéle                                                      
D’ tout chele sinttèy a s’ dégavéle                                                                  
Au pàrfond d’chés wases ed mizére ed jonnèsses                                        
Au pàrfond dech maù d’énne jonnèsse ed mizéres                          
Désseulèye nzou sin mantioe d’ sinttèy                                               
 :eunne eddin sn’ éfainche coéchèye, Lucie                                                   
d’ tout la-baù ‘ska l’min tinduse                                                           
conme un jonne d’ozio tcheu d’sin nid, Lucie                                               
qu’a s’avainche, Lucie                                                                           
Lucie, ooh !                                                                                         
dégritayèye à sés braù, Lucie, l’ vlaù                                                  
Lucie, ooh !
D-u qu’a s’ soeve ?                                                                               
Thiote soevache oh ! thiote véstale                                                           
din ch’fu d’ glache                                                                                     
d’ènne vie sanz anmoér.
Traduction française de la version picarde par l’auteur.

SA VIE, À LUCIE

Au coeur de l'hiver
dans la nuit givrée                                                                                    
cette ombre frissonnante                                                                              
qui est-elle ?
Ooh ! Lucie !                                                                                              
C’est Lucie toute grelottante                                                                      
Ooh ! Lucie !                                                                                            
Lucie qui m’apparais                                                                             
Lucie, toute décrépitée                                                                                
De l’innocence jusqu’à la grâce                                                            
Lucie, une vie encore si frêle                                                                       
qui de toute sa sainteté se dépoitraille                                                           
Au creux de la fange de misères de jeunesses                                                   
Au cœur de la plaie d’une jeunesse de misères                                    
Esseulée sous son manteau de sainteté                                                    
Une dans son enfance meurtrie, Lucie                                                           
De plus loin jusqu’à la main tendue                                                     
Comme l’ oisillon égaré, Lucie                                                                  
Qui s’avance, Lucie                                                                                  
Lucie, ooh !                                                                                            
Scarifiée au bras, c’est Lucie                                                                    
Lucie, ooh !
Ou fuit-elle ?                                                                                            
Cette sauvageonne vestale                                                                          
Dans le feu gelé                                                                                       
D’une vie sans amour.
                                                                                      
Ce poème est paru confidentiellement
dans le n°12 de la « pauvre » revue : PASSAGES, 
en l’automne 2008



Version picarde, dérapée en litanie et améliorée d’ Ivar Ch’Vavar

Ës’ vie, l’Lucie
pou l’ thiote fàrfue Mélanie Bonte
Din ch’pàrfond d’chés courts-jours                                                                                 
Din chele nuit fàrlèye                                                                                                     
‘N’ pëtite onbe gricheuse –                                                                                  
Tchèche ch’ét, tchèche ch’ét ?
Oooh – Lucie !                                                                                                            
Ch’ét Lucie qu’ale ghéllote !                                                                                        
Oooh – Lucie                                                                                                                
Quale tranne pi qu’ale ghéllote !                                                                               
Lucie eque d-el vlaù                                                                                                   
Chele pore thiote Lucie                                                                                                 
Qu’o ll’ aù déviannèye                                                                                                 
E-pi bérziyèye                                                                                                                 
Qu’o ll’ aù brichoedèye                                                                                                
Qu’o ll’ aù débatchèye                                                                                                        
Pi coére débrindjèye                                                                                                          
Pi débérlindjèye                                                                                                                   
Qu’o ll’ aù dégonnèye                                                                                                          
Pi débistratchèye                                                                                                               
Qu’o ll’ aù dégrindjèye                                                                                                      
Pi déhazinèye                                                                                                                       
E-pi déhansèye                                                                                                               
Pi tout démanglèye
Oooh – Lucie, Lucie !                                                                                                  
Qu’o t’ aù démoùlite                                                                                                       
Tout démanotchèye                                                                                                        
Pi démazindjèye                                                                                                              
Démintribulèye                                                                                                              
Oooh – tu ! déskétèye                                                                                                              
Pi déstérminèye                                                                                                                   
Pi déwairipèye                                                                                                             
Lucie tout chaflèye                                                                                                                       
Pi coére réstaplèye                                                                                                              
Tout déwarotchèye                                                                                                                   
Pi tout bàrzindjèye                                                                                                     
Oooh – tout décàrpite                                                                                                                 
Pi tout décàrsite                                                                                                                    
Tout décapichèye                                                                                                               
Pi tout mouchlinèye                                                                                                          
Tout éscarabièye                                                                                                          
Lucie – oooh !
Edpu l’ inochinche duska l’ grache                                                                           
Edpu l’ nayustèy ‘ska l’ granne rétustèy                                                                   
Lucie, ët’ vie ale rèsse si casvéle                                                                               
Ploéyèye, àrmuchèye                                                                                                  
Mènme si quë t’ sint’ tèy, foet qu’a s’dégavéle                                                              
Foet qu’a s’éspatronne ! si baù qu’ të trond:éle                                                              
Si noér ech rintchuin d-ou qu’të t’ ramonchéle
Din ch’ rintchuin d’ chés wases ed mizére ed jonnèsses                                             
Din ch’ rintchuin dl’ argnoche d’ènne jonnèsse ed mizéres                              
Désseulèye innzou sin mantioe d’ sint’ tèy                                                            
Tout seue ndin sn’ éfainche coéchèye, Lucie                                                                         
D’tout la-baù ‘ska l’min tinduse                                                                                  
Conme ech jonne ed moùnioe tcheu d’sin nid                                                         
– Oooh – Lucie !                                                                                                              
Qu’ ale s’avainche laù, Lucie                                                                                                 
Lucie – oooh !   Dégritèye à sin braù, d-el vlaù                                                          
Lucie – oooh !                                                                                                                  
D-u qu’ale s’incourt conme chaù ?                                                                 
Thiote soevache, oh ! thiote véstale                                                                                     
Ed Chéle povërtèy                                                                                                            
Din ch’fu d’ glache                                                                                                               
D’ ènne vie sanz anmoér.

Not’ ed Christian-Edziré Déquesnes :                                                                             
Déssaqué à chés longs joers ed 2014, à cose éque j’avo arméné énne thiote fàrfrue, in molét parélh à cheule filhe, Edzeur l’tiére dormoére ed sin père. Alle n’y avot jamoé été, ch’étot cheule preume fos por cheule pore fihle…

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